CHILDREN
Plaque à l'entrée du Torpedo Institut.
Lettre de Jean Tinguely à Pontus Hulten, 21.1.1988.
Article de presse - Schweizer Illustrierte, 31.8.1992.
Plaque à l'entrée du Torpedo Institut.
JEAN TINGUELY. TORPEDO INSTITUT I 2015
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JEAN TINGELY. TORPEDO INSTITUT est un ouvrage qui reconstitue le projet monumental que Jean Tinguely a créé, de 1988 à sa mort en 1991, dans une ancienne fabrique qu'il a achetée à La Verrerie, entre Bulle et Vevey, dans le canton de Fribourg où il vivait en Suisse.
Le Torpedo Institut – que Tinguely déclare antimusée dès son arrivée dans les lieux – est la plus grande œuvre jamais conçue par l'artiste. Les espaces industriels dans lesquels elle se développe s'étendent sur plus de 3000 m2. Ils sont obscurcis par d'imposantes plaques d'acier dont Tinguely obture toutes les ouvertures qui donnent sur la campagne fribourgeoise. L'artiste veut vivre et œuvrer dans la nuit. Dans les différentes salles qui composent le Torpedo Institut, l'artiste orchestre cent vingt de ses machines qui tournent, grincent et hurlent dans la pénombre. Elles représentent l'ensemble du parcours du créateur : on trouve là des Méta Malevitch ou des Méta Kandinsky des débuts, le Klamauk de 1979, la Grande Méta Maxi Maxi Utopia présentée en 1987 à Venise, la Dernière Collaboration avec Yves Klein de 1988, Le Retable de l'Abondance occidentale et du Mercantilisme totalitaire de 1990, des pièces à quatre mains réalisées avec Milena Palakarkina. Tinguely présente aussi ses amis artistes dans le Torpedo Institut : plus de vingt figures d'Eva Aeppli dressées sur un socle dans la première salle, dans la seconde un Oiseau Amoureux de Niki de Saint Phalle : la sculpture imposante mesure 8 mètres de haut et roule sur des rails. Plus loin, il y a un gigantesque Atlas de Bernhard Luginbühl. Toutes ces pièces sont commandées pour le lieu par le sculpteur qui présente encore des œuvres de Robert Rauschenberg, Yves Klein, Keith Haring, Ben Vautier, Daniel Spoerri, Alfred Hofkunst, d'artistes fribougeois aussi, accrochées comme dans les réserves des musées sur de grandes grilles coulissantes que Tinguely nomme Bilderbahnhof. Et puis, Tinguely réunit dans le Torpedo Institut des objets qui lui sont chers : des Ferraris, un avion de la deuxième Guerre mondiale suspendu à l'envers ou une pointeuse sur laquelle il veut que les visiteurs timbrent lorsqu'ils pénètrent dans le lieu.
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Loin des grands centres et des musées clinquants qui fleurissent en cette fin de millénaire, loin des fréquentations record des expositions consuméristes qui balisent l'époque, Tinguely entend ouvrir son antimusée à un public limité. Les visiteurs sont invités à réserver longtemps à l'avance, et sont convoqués à une heure et un jour précis. Ils sont accueillis avec désinvolture par une secrétaire indifférente dont le cahier des charges établi par l'artiste précise que la principale occupation consiste à se vernir les ongles. On leur fournit un casque audio dont le commentaire est incompréhensible. Chacun doit donc se débrouiller seul avec les œuvres, dans le dédale, l'obscurité et les pièges que lui réserve l'artiste, et s'aventurer pour commencer sous une monumentale guillotine placée à l'entrée de la première salle.
Avec le Torpedo Institut, Tinguely résume l'attitude anti-art qui a été la sienne sa vie durant. N'a-t-il pas dit : Pour les voleurs, il y a les prisons ; pour les artistes il y a les musées ?
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À la mort du créateur survenue brusquement en août 1991, le Torpedo Institut est pratiquement achevé. Il est, après la disparition du plasticien, le sujet de nombreuses discussions et de multiples polémiques. Dans des circonstances douloureuses, il est finalement démantelé — contre la volonté de l'artiste qui avait déclaré par testament son désir de voir l'œuvre lui survivre.
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